Dans le peau d'un juré de prix littéraire !
Bon alors voilà, je viens de vivre une expérience tout à fait étonnante qu'il me faut partager avec vous sans plus attendre. Il y a quelques semaines, Antoine Buéno (à droite sur la photo ci-dessus) me propose de rejoindre le jury du Prix du Style, un prix qu'il a créé en 2005 et qui récompense des auteurs au style remarquable. D'abord je suis un peu surpris, bien qu'ayant mes entrées au Flore, je ne suis qu'un blogueur après tout, "oui mais tu as écrit un livre... et puis tu m'as été chaudement recommandé par David Abiker", me rassure Antoine, ah bon c'est vrai ? Mais qui suis-je pour juger le travail de mecs dont c'est vraiment la vie d'écrire des livres. Antoine n'a pas besoin d'insister plus : l'expérience me tente terriblement, je sens que je vais apprendre tout plein de trucs, me taper la cloche au Sénat avec Patrick Carmouze (que je vénérais comme un demi-Dieu à l'époque "Coucou c'est nous"), Frédéric Ferney, Irène Frain, Philippe Jaenada, Guillaume Durand (les retrouvailles ?), Macha Méril sans oublier la charmante Aurélie Streiff-de-chez-Plon et le très sympathique Hubert Artus de Rue89 (si tu te demandes qui sont tous ces gens, clique ici) et puis ça fait longtemps que je n'ai pas enrichi ma belle rubrique sur les coulisses de l'édition, oui, celle qui fit le succès de ce blog, à sa naissance (et qui me valut pas mal d'ennuis) ! Hé bien je peux vous dire que je n'ai pas été déçu !
Quelques jours plus tard je reçois par la poste une vingtaine de livres dont certains très épais, j'ai deux mois pour lire tout ça avec l'emploi du temps que vous pouvez imaginez au vu de mes nombreuses activités dont celle de chef d'entreprise qui est particulièrement prenante. Donc je flippe ! Je n'aurais jamais du accepter, je vais avoir l'air d'un crétin lors du premier déjeuner de délibération quand Frédéric Ferney va me demander ce que j'ai pensé de CosmoZ de Claro (Actes Sud), 496 pages ou quand Patrice Carmouze va me demander de réciter par coeur la page 12 de "Les Aigles puent" de Lutz Bassmann (aussi glauque que bien écrit). Décidemment, je suis bien naïf de flipper comme un bizuth de prépa-véto et si on pressait le bout de mon nez il en sortirait du lait. Car oui ami lecteur, cette incroyable expérience d'imersion totale m'a permis de faire 4 grandes découvertes, de concasser gaiement le genre d'idées reçues qu'on peut se faire sur un prix littéraire, amie Wrath tu vas te régaler !
1) On ne lit pas tous les livres : Ben oui, juré de prix c'est comme animateur télé, on n'a pas le temps de lire les livres qui sont présentés - sauf que le juré, il n'a pas deux stagiaires à forte poitrine pour lire les livres à ta place et lui faire de belles fiches voire plus si affinité. En fait c'est tout simplement impossible si on n'est pas critique littéraire professionnel en CDI et qu'on a un travail normal dans la vie, un travail qui ne nous permet pas de lire en cachette au bureau. En plus, chose amusante, certains éditeurs comme Grasset pour Virginie Despentes n'envoient pas les livres car ils savent à l'avance que leur auteur va avoir un prix beaucoup plus prestigieux que le Prix du Style. En gros : on pue de la gueule (c'est rigolo ils ont le même mépris pour les blogs : tous les romans Grasset que j'ai reçus, ce sont les auteurs eux-même qui me les ont envoyés, la bise à Beigbeder, Karine Tuil, Alexandre Jardin...!!!).
Donc pour ma part, voici comment j'ai procédé : j'ai lu les 20 premières pages de chaque livre de la sélection et je n'ai continué que si vraiment ça me scotchait. Au final j'ai donc lu 5 livres en entier. Parmi ces 5 livres, un seul se détachait vraiment : "Retour aux Mots Sauvages" de Thierry Beinstingel (Fayard) et c'est celui que j'ai choisi de défendre !
2) On se goinfre, on picole, on dit du mal, on échange des ragots sur le milieu de l'édition (où tout le monde fait semblant de se détester parce que c'est tellement plus rigolo de dire du mal) et donc on rigole bien ! En plus, franchement, les membres du jury était vraiment très sympas. J'ai été super bien accueilli malgré mon statut de nouveau, avec une mention spéciale pour Macha Méril que j'ai trouvé particulièrement fun et sympathique. Je précise que chaque délibération a lieu au Sénat dans un salon privé au restaurant des sénateurs et c'est bien connu, le sénateur est plutôt bien nourri (à l'image de son président Gérard Larcher!). Mention spéciale pour les serveurs en veste blanche tout droit sortis d'un casting de Michel Audiard. Et n'oubliez jamais un truc : au restaurant du Sénat, on ne mange pas des sushis !!! (et on ne boit pas de coca-light non plus).
3) Les membres du Jury sont très diversement impliqués : Pour moi, accepter d'être membre du jury, c'était accepter une lourde responsabilité proche de l'entrée au monastère avec voeux de chasteté, de pauvreté ou au moins d'assiduité. En fait pas du tout : tous les membres du jury n'étaient pas présents à toutes les réunions. Un des membre n'est même jamais venu, ni aux délibérations, ni à la remise du prix. Rassurez-vous, ce membre ne sera pas exclu pour autant car il est connu et ça crédibilise le prix de l'avoir dans l'équipe !
4) Ce n'est pas le meilleur qui gagne, c'est beaucoup plus compliqué : Evidemment, dans la sélection finale, il n'y a que des livres de grande qualité mais n'allez surtout pas croire que c'est celui qui a été adoré par le plus grand nombre de jurés qui va remporter le prix. En fait j'ai découvert qu'au delà du talent de l'auteur il y a d'autres critères secrets qui entrent en jeu dans le choix du gagnant. D'abord les trop trop bons ont été éliminés dès le début : il aurait été ridicule pour nous d'attribuer le Prix du Style à Michel Houellebecq alors que nous savions très bien qu'il allait avoir le Goncourt. Pareil pour Maylis de Kerangal qui était sur la liste de nombreux prix prestigieux. Vous l'aurez compris, le lauréat doit servir la notoriété du prix. Il doit donc être un choix original mais en même temps il ne doit pas être totalement obscur, car si le Goncourt fait vendre un livre, dans notre cas ce sont les ventes du livre qui vont faire connaître le Prix du Style. Pourquoi ? Grâce au bandeau "Prix du Style 2010" que l'auteur primé aura le droit d'afficher sur son livre. Problème : il faut être sûr que l'éditeur joue le jeu et accepte de produire les dit-bandeaux et de les faire rajouter sur les livres déjà en vente. Voilà un critère dont je ne soupçonnais pas l'existence et qui a pourtant beaucoup joué !
5) Ouf, il y a quand même de la violence : Une fois qu'on a éliminé les livres qui ne remplissent pas les critère évoqués au point 4), il ne reste plus que 2 livres et le vrai débat peut alors commencer. Les esprits s'échauffent, il y a une équipe qui soutient le livre d'Harold Cobert "L'Entrevue de Saint-Cloud" et une autre (dont je fais partie) qui soutient le formidable livre de Thierry Beinstingel "Retour aux Mots sauvages". Les tours de table s'enchainent, les bouteilles se vident et il y a vraiment égalité. On se décide alors à appeler sur son portable le membre du jury qui n'est jamais venu : il n'a lu qu'un seul des deux livres, nous voilà bien avancés. Deux bouteilles plus tard, on demande son avis au serveur qui malheureusement n'a pas lu les livres. Antoine essaye pour la 38ème fois de nous convaincre que c'est Harold Cobert qui doit gagner et qu'en plus il est cool. Je tente d'avertir Antoine Buéno en lui rappelant que comme lui, Harold Cobert est édité chez Heloïse d'Ormesson et que des blogueuses mal-pensantes dont le pseudo commence par "W" pourraient être tentées de trouver ça louche. Antoine me répond qu'il s'en fout. Il est comme ça Antoine, il n'a peur de rien - même une fois il a déclaré qu'il était de droite, c'est vous dire. Je lui dit que si c'est comme ça, je vais tout raconter sur mon blog. Il me répond "Mais vas-y, y'a aucun problème !". Moi je pense que tout de même, c'est un peu chaud de balancer sur les coulisses de la magie des prix littéraires. Je ne veux pas casser les rêves des gens. Je ne veux pas me mettre à dos les éditeurs. Je décide donc de me taire. Rendez-vous le lendemain au Sénat pour la remise du Prix.
EPILOGUE : Au final, nous avons remis le Prix du Style à Harold Cobert qui est effectivement tout à fait sympathique. Ce dernier a reçu 139€ (un euro par page, c'est la tradition) et une journée VIP à Disneyland Paris, partenaire du Prix - quand je vous dis qu'il est dingue cet Antoine Buéno... Thierry Beinstingel était également dans le public et Antoine Buéno lui a rendu hommage car il le valait bien. Je vous reparlerai très rapidement de son roman magique. J'ai adoré cette expérience qui m'a permi de découvrir très vite plein d'auteurs que je n'aurai peut-être jamais découvert autrement (Jérôme Ferrari par exemple et son poignant "Où j'ai laissé mon âme" sur la Guerre d'Algérie, Ed Actes Sud). Vivement l'année prochaine si je ne suis pas viré du jury suite à cette article... En même temps, un mec qui fait gagner des séjours à Disneyland à l'élite germanopratine est bien capable de trouver cet article "brillant" et moi je veux bien les photos d'Harold Cobert entre Mickey et Donald !
A voir aussi : compte rendu de la soirée de remise de prix au Sénat par la très sympathique Sophie du Blog Sophielit.
Follow @thomasclement
C'est justement pour avoir un regard comme le tien qu'il est important que les membres du jury ne soient pas issus du milieu purement littéraire.
Rédigé par : Ophélie | lun. 22 nov 2010 à 11:25
Les dessous, c'est ce qu'il y a de mieux !
Rédigé par : sophielit | lun. 22 nov 2010 à 11:40
Dans la peau d'un mec cité dans un blog!
Putain, je suis en train de vivre l'expérience étonnante d'être cité dans le blog de Thomas Clément (Thomas Clément!).
Alors voila, cette expérience d'immersion totale (immersion ça prend 2 "m" Thomas)m'a permis de faire une découverte extraordonaire: le mec qui écrit son blog, c'est pas un jet spontané; nan nan, il le bosse vachement son texte. Et même, il le donne à lire aux gens concernés avant mise en ligne. Incroyable comme découverte! Et merci, Thomas, pour cette courtoisie. Mais vous comprenez, le blogueur, il est libre, alors il veut pas prendre en compte toutes les remarques qu'on lui fait. Il est comme ça le blogueur.
Donc voici mes précisions:
1/ Je n'ai pas recruté Thomas Clément parce qu'il avait écrit un livre. Si je devais faire appel à tous les "écrivants", je serais un peu dans le caca... Thomas Clément m'avait effectivement été chaudement recommandé par plusieurs personnes, dont David Abiker en qui j'avais toute confiance (et je ne le regrette pas);
2/ Autre précision de taille: effectivement, si j'ai dit à Thomas Clément qu'on s'en foutait qu'Héloïse d'Ormesson soit mon éditeur c'est parce que chaque membre du jury(sauf peut-être Hubert Artus) a un pied dans l'édition. A ce compte là, on n'aurait jamais pu mettre en lice un auteur de chez Plon, Flammarion, Denoël, Fayard, EHO, Grasset... Ce qui aurait été embêtant... Ce qui pose le très épineux problème de la composition des jury...
A part ça, le papier est une belle synthèse.
Rien à ajouter.
Merci Thomas!
Antoine Buéno
Rédigé par : Antoine Buéno | lun. 22 nov 2010 à 11:45
c'est là qu'on se dit que ce petit prix est un vrai prix littéraire...
Rédigé par : Mathieu | lun. 22 nov 2010 à 13:54
Un peu mou, quand même, Thomas, hein. Il manque quelques savoureuses déclarations mérilesques à la table, deux mots sur l'absence totale du début de l'ombre d'une implication quelconque de certains jurés, et surtout la manière spectaculaire avec laquelle l'égalité des votes a été débloquée. Cela dit, ce fou furieux de Buéno est parfaitement dépeint.
Rédigé par : PhJ | lun. 22 nov 2010 à 15:05
@ Thomas, tu auras tes photos entre Mickey et Donald !
Rédigé par : Harold | mar. 23 nov 2010 à 07:02
Il reste aussi un certain nombre, pour ne pas dire un nombre conséquent, de fautes d'orthographe (et non pas de coquilles) dans ce récit.
Et Thomas Clément juge après du style d'autrui, cherchez l’erreur.
Faut croire que Buéno est mauvais relecteur... ou mauvais en orthographe... ou qu’il n’a pas osé transmettre à Thomas les références du Bescherelle).
Ce même Thomas Clément qui, ado, avait pour idole Patrice Carmouze. (Non mais expliquez-moi comment on peut avoir Patrice Carmouze pour idole quand on est ado ?)
Sinon, en effet c'est sympa de nous faire partager cette expérience de l'intérieur, même s'il y a des zones d'ombre et que tu ne vas pas au bout de ta démarche de limpidité.
Abel
Rédigé par : Abel | mar. 23 nov 2010 à 17:44
P.S. : même "Le mot de Thomas Clément" sur le site du Prix du Style n'a manifestement pas été relu.
Amateurisme, quand tu nous tiens...
Abel
Rédigé par : Abel | mar. 23 nov 2010 à 17:46
Pardon Abel, mais
qu'est-ce t'es con...
Rédigé par : jean | mer. 24 nov 2010 à 13:45
Dis donc Thomas: on t'invite au flore tu ne sais pas trop pourquoi, on te prends dans un jury parce que tu es sympa... T'as pas l'impression de vivre dans une pièce (ou un film) de Jacques Veber?
;)))
a+
yann
Rédigé par : yann | mer. 24 nov 2010 à 14:31
Pardon Jean, mais qu'est ce que tu es con...structif! Tu nous a pondu un commentaire qui ne pouvait pas être plus utile! Parenthèse fermée, ENFIN le retour d'Abel. J'avais failli arrêter de consulter ce blog suite à cette absence prolongée. J'avoue que je te t'attendais plus sur la café de Flore mais bon, je ne vais pas bouder le plaisir que j'ai de te lire à nouveau.
Merci
Rédigé par : SamSam | mer. 24 nov 2010 à 19:39
Et le prix du Style à un poète?
pourquoi faut-il toujours récompenser les romanciers ?
Rédigé par : eric dubois | jeu. 25 nov 2010 à 13:11
Cher Jean, j'envisagerai de tenir compte de tes éructations quand elles contiendront un début de commencement d'argument.
Abel
Rédigé par : Abel | jeu. 25 nov 2010 à 19:35
Je dois être bizarre mais 20 livres en deux mois, cela fait un peu plus de deux livres par semaine, ce qui est le quotidien banal de n'importe quel littéraire.
Votre méthode de lire les 20 premières pages n'est pas si mal cependant, c'est pas pire comme disent les québécois.
Le prix du style est un jeune prix encore peu connu donc le problème, c'est de trouver un mec qui soit OK d'accrocher son bandeau rouge et de faire de la pub pour le prix, alors oui, autant connaître la maison et que l'écrivain soit un ami, cela semble très logique.
En fait, en vous parcourant sur ce blog, je ne sais pas, je ne sais plus. Remettre des prix sans les avoir lus, cela paraît complètement pourri, c'est cela qui me choque, le type connu qui ne vient pas, et ne sait même pas de quoi on parle. Cela me fait penser à ces parrainages de bb que l'on accepte par politesse, mais qui sont embarrassants plus qu'autre chose. Je n'ai jamais vu mon parrain d'ailleurs ni ma marraine, chanteuse d'opéra choisie par prestige. On choisit pour le bb des gens un peu select, pensant qu'ils vont ouvrir des portes plus tard, alors qu'on se heurte à l'indifférence et à des agendas surbookés.
Pour les prix, c'est un peu pareil, mais peut-on se passer des gens connus...
Moi ce qui m'intéresserait sur votre blog, que je découvre, ce serait un interview du créateur de ce prix, qui répondrait à toutes vos questions. Celles que j'aimerais lui poser:
Pourquoi un prix littéraire? Quel est votre moteur?
Rédigé par : AK | ven. 26 nov 2010 à 07:36
+1 comme on dit sur twitter pour le dernier commentaire de AK ! ( l'interview du créateur du prix ect...)
Rédigé par : Ophélie | lun. 29 nov 2010 à 15:21